L'annonce de mon cancer : ça s'en va et ça revient....

Lundi 24 juin 2019 : C'est un cancer 

Je vais passer ma mammographie et échographie de contrôle annuelle, je suis en retard de 6 mois. J'adore y aller parce que je trouve mon radiologue canon !

C'est une routine pour moi depuis 25 ans. 

Ce retard va être salavateur, je ne le sais pas encore mais  si j'y avais été il y a 6 mois, à mon avis il n'aurait rien vu. Et je n'y serai retournée que 12 à 18 mois plus tard....

Je suis hyper tranquille, depuis le temps que j'en passe. J'ai eu deux alertes dans le passé : une en 2009 avec une suspicion de cancer inflammatoire du sein en 2009 et en 2015 une mammo classée ACR 4. Les biopsies je connais, j'en ai déjà eu 6 en 25 ans. 

J'ai été à chaque fois du bon côté des statistiques.  Une vraie championne ! Mais pas cette fois.....

On est le 24 juin, je m'apprête à partir en vacances, je prépare le mariage de deux amies pour lequel je suis témoin. Il fait beau. 

La manipulatrice demande à reprendre des clichés. Aie je sais que ça , ça ne sent pas bon. Puis demande à passer à la mammographie numérique. Je commence à flipper un peu. 

A l'écho, je scrute l'écran que je connais si bien avec mon radiologue. Il trouve un centre dense (pas bon ça !!!!) avec des spicules longs et fins en forme d'étoile. Je rentre direct en ACR 4. ça pue. 

Je lui demande de ne pas passer par 4 chemins : il dit qu'à 90% c'est un cancer canalaire invasif. Je me prends la tôle et elle est raide. Et les 10% restants ? "Cela peut être une pathologie begnine compliquée mais extrêmement rare". Ah ok. Problème : pour biopsiser il n'arrive pas à repérer la cible, trop petite de 4 mm. Il me demande si je suis libre jeudi 27 juin pour une IRM pour la repérer. Si vite ? Je comprends que ça craint. Mais surtout qu'à l'IRM on verra tout et que je serais fixée aussi sur l'autre sein. 

J'appelle ma gynécologue qui s'affole. Il faut annuler mes vacances, je trouverai jamais de RDV en Aout à mon retour, etc.... ! Je décide de ne pas prendre en charge sa propre angoisse et je m'accroche aux 10% restants : je ne suis pas à l'abri d'un petit miracle encore !  Je fais des recherches nuit et jour (larmes, sueur, sidération) et je découvre que je suis sans doute dans le cas d'une cicatrice radiaire, appelée aussi centre proliférant Aschoff. Mes spicules sont longs et fins, pas épais et courts, hourra ! Je m'y accroche. Entre temps j'appelle S. dont je suis l'unique témoin au mariage. Je suis obligée de lui dire de trouver un témoin bis au cas ou..... Sinon pas de mariage parce que je navigue à vue et je risque d'être absente. Sur le site des Impatientes, les filles me rassurent et me disent qu'il n'y a pas de raison d'annuler mes vacances. Je n'arrête pas de penser que si c'est un cancer j'aurai besoin de partir en vacances avant pour affronter tout ça. 

I et A sont extrêmement présentes et ça me fait un bien fou. S aussi. Je me dis que c'est un cauchemar et que je vais me réveiller bientôt. 

Jeudi 27 juin IRM 7h30 : ça s'en va, ce n'est plus un cancer 

C'est la 3ème pour moi, je connais. Toujours aussi anxiogène quand même. A plat ventre avec deux trous pour les seins , les bras tendus et la perf, interdit de bouger, de renifler, de tousser, de pleurer, de parler. Pour une fois j'ai de la musique sur les oreilles. ça débute par Hotel California, je me dis super car je sais que la chanson que j'adore dure longtemps. Et les 15 minutes passeront plus vite. Je compte les minutes (60 secondes plus 60 secondes plus 60 secondes...). 

Mon radiologue m'attend à la sortie du tube, hyper souriant. Et là on analyse les résultats ensemble. Il me dit que la courbe de réhaussement est à 1, que c'est une excellente nouvelle parce que dans 90% des cas, c'est bénin. Qu'il pense au nodule Aschoff. Yes !!!!!!! Je lui dis : "C'est une cicatrice radiaire c'est ça ?". Interloqué il me rétorque : "Mais comment vous connaissez ce truc ?!". Je dis que j'ai bossé mon sujet..... Je peux partir en vacances. Pas d'urgence mais il ajoute : "Quel que soit le résultat de la biopsie que nous allons faire, il faudra quand même opérer". Ah bon ?! "Oui car cette pathologie complexe peut cacher un cancer in situ". Je sors surexitée ! J'appelle mes amis, c'est la fête !!! C'est peut être un cancer in situ, donc pas invasif, que demander de plus ? A 14 heures j'y retourne pour l'écho pour repérer la cible pour la biopsie de lundi. Je suis soulagée. 

Lundi 1er juillet, biopsie, et ça revient....je ne le sais pas encore :(

Je suis stressée parce que la pharamacienne près de chez moi ne m'a pas donné le bon anesthésiant. Je fais 3 pharmacies pour trouver les flacons. J'ai peur que l'anesthésie locale ne marche pas, la tumeur est profonde et je suis résistante à l'anesthésie. Pour mon opération du radius, ils ne m'ont pas écoutée et la loco régionale n'a pas fonctionné, il a fallu faire une générale dans l'urgence. En 2009, à Saint-Louis lors de la suspicion du cancer inflammatoire du sein, j'ai senti les carottes lors des prélèvements.... 

Mon radiologue est tendu. Froid alors qu'habituellement on déconne à plein tubes. Je lui dis que j'ai peur que l'anesthésie locale ne marche pas, ça le froisse, je le vois bien. Il prend cette angoisse de ma part comme une preuve de non confiance à son égard. Il pique, c'est supportable. Mais je grimace, il me le fait remarquer juste après, au moment où il prélève. "Vous avez grimacé pendant l'anesthésie ! Vous ne sentez rien là hein donc souriez !!!". Euh....L'injonction de sourire alors qu'on te recherche le cancer, pas facile.... Comme les injonctions entendues par certains : "Sois positive" "Profite du présent" ou les "bon courage" secs et en forme de condoléances !!!! Sans compter le déni du type : "ça se soigne hyper bien, tu vas gérer". Comme si en gros on parlait d'un rhume.... Je comprends que certaines personnes ne sachent pas comment réagir mais je le prends de manière très violente. 

Il fait 6 prélèvements. Je pars chez mon papa la semaine d'après le lundi pour quelques jours. Les résultats généralement c'est 8 jours. Il promet de m'appeler. Ce qu'il ne fera pas. 

Lundi 8 juillet, les doutes...et le jeudi 11 juillet ça s'en va mais ça revient !

Je ne suis pas tranquille. Je regarde mon portable toutes 5 minutes. Je suis dans le Sud chez mon papa (papa si tu me lis, je t'aime, merci d'être là !!!!). 

Le mardi toujours pas d'appel. Ce n'est pas normal, je connais les délais. Mercredi idem. Je commence à me dire qu'en fait il n'ose pas m'appeler. Bonne intuition. 

Le jeudi 11 juillet au matin, je ne tiens plus et j'appelle ma gynécologue. Elle me dit direct : "Ce n'est pas bon". Je réponds : "Oui oui ok c'est un cancer in situ". C'est ce qu'on m'avait annoncé. 

Et là le couperet tombe : "Non c'est un canalaire infiltrant Madame. Mais il est de grade 1 donc peu agressif. On opére, on prélève le ganglion sentinelle, vous aurez de la radiothérapie et de l'hormonothérapie sur 5 ans". Et elle ajoute : "Vous voulez aller ou ?". Mais comment ça aller ou ? C'est pas à elle de me dire quoi faire là ?! Il fait 32 degrés, je suis sur la petite terrasse qui donne sur ma chambre chez mon papa, je suis dévastée. Dévastée oui c'est le mot. Sidérée, paniquée. Elle me déconseille Saint-Louis, "trop désorganisés", me conseille Curie mais je ne veux pas aller là-bas j'ai lu qu'ils nétaient pas très humains ou alors les Diaconnesses mais précise que pour les rayons ils ne peuvent pas les faire sur place, il faudra aller à Neuilly. Je propose l'institut du Sein. "Très bien mais vous aurez des dépassements d'honoraires !". Je m'en fous, je veux aller là-bas. S me dit : "Tu sais on va faire des heures sup avec S (sa compagne), on t'aidera !". Quelle proposition bienveillante et de coeur ....

J'appelle l'Institut du Sein, c'est à moi de m'en occuper. Mauvaise pioche, ils sont fermés au mois d'Aout. Je leur dis : "Ah ben il ne faut pas avoir de cancer l'été hein !!". Même galère avec les Diaconnesses, le chirurgien ne revient que le 19 aout.  La secrétaire me dit : "Mais le 19 aout ça fait tard ! Vous pouvez attendre jusque là  ?". Ben j'en sais rien bordel moi, je suis pas médecin :(

Je rappelle ma gynéco, ok pour le 19 aout. 

Je pars deux jours plus tard à Cadaques en vacances. La machine est lancée mais je ne digère toujours pas. Je passe par un tsunami emotionnel hallucinant. Je n'arrête pas de me répeter : "J'ai un cancer". Je lis tout ce que je peux trouver sur le site des Impatientes. Et je suis terrorisée. Parfois je me dis : "C'est un cauchemar, je vais me réveiller".  Si le ganglion sentinelle est touché, ce sera le grand 8 avec la chimio. 

A. m'a envoyé un long mail pour m'expliquer comment créer mon blog, merci à toi chérie ! Je ne suis pas très douée et pas très geek mais je vais apprendre encore....

Il reste des résultats à venir encore. Ce sera pour le premier aout quand je verrai ma gynécologue à mon retour. J'attends notamment avec impatience le KI67 qui mesure le dégré de prolifération du cancer. Je réalise aussi que je suis partie pour de longues semaines et que je serai pas absente au travail que deux mois ....

A Cadaques il fait beau,  je me sens bien ici même si je n'en profite pas comme je voudrais. 

D. est super et comprends que j'ai besoin de digérer tout ca.